Quand on a débarqué à la ferme de Crooked Plain, on savait qu’on y trouverait pas mal d’animaux : chèvres, chiens, âne… C’est même une des raisons qui nous a fait choisir cet HelpX. Mais à aucun moment on ne se doutait qu’on se retrouverait embarqués dans une complète gestion de bovins : achat de vaches, élevage, dressage canin, rassemblement du troupeau, inspection vétérinaire, vente, abattage et préparation de la viande.
Après avoir découvert dans la partie I les méandres de l’élevage bovin, il est temps de s’attaquer à la véritable raison de toute cette effervescence. Âmes sensibles s’abstenir.
22, v’lÀ les vets !
Avant de vendre un troupeau, un passage chez le vétérinaire s’impose. Ou plutôt l’inverse en l’occurrence. Débarque ainsi une escadre de quatre vétérinaires – jeans, ceinture, chemise bleue, queues de cheval et lunettes de soleil – prêtes à en découdre. Un ami d’Ewan est venu donner un coup de main pour gérer les vaches rassemblées la veille dans les enclos.
Le défilé du bétail à travers le Crush recommence. La vétérante jette un rapide coup d’œil sur l’animal sous le regard de ses élèves avant de s’intéresser aux vraies préoccupations d’Ewan : le nombre de vaches enceintes. Elle enfile alors un gant jusqu’à l’épaule puis enfonce sa main dans l’arrière-train de l’animal étonné pour tâter les éventuels fœtus. Après s’être essuyé sur la croupe de la vache elle finit par lâcher un « enceinte » ou « pas enceinte » qui détermine l’enclos de sortie.
Pendant toute cette séance nous ne serons que des spectateurs attentifs perchés sur un tracteur à distance respectable du troupeau afin de ne pas l’affoler davantage.
full metal vachette
L’inspection terminée, le groupe des brouteuses qui ne seront pas vendues rejoignent le pré. Parmi elles se trouve la future réserve de viande fraîche d’Ewan : une vache noire bien en chair qu’il a prévu d’abattre ce week-end. Et pour partager ce grand moment, il a invité un ami amateur de boucherie et sa famille. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Miguel, grosse barbe, marcel et short long déchiré, sa femme Christine, les bras remplis de victuailles, et leurs trois (très) dynamiques enfants.
Ewan s’est préparé toute la matinée et a affûté ses meilleurs couteaux. Et il va de soi que Miguel n’est pas arrivé les mains vides non plus. Il a même ramené une hache, pour parfaire définitivement sa ressemblance avec Ragnar Lothbrok, le protagoniste principal de la série « Vikings » dont les DVD traînent à côté du poste de télévision.
Finalement le coup d’envoi est donné à 16h. Ewan prend son fusil et monte sur son quad pour mener tout ce petit monde vers le troupeau. Miguel se précipite aussitôt dans le ute pour le suivre, nous laissant tout juste le temps de sauter à l’arrière avec Christine et les enfants qui, bien évidemment, sont de la partie.
La vache est repérée. Miguel rejoint Ewan pendant que nous attendons en dehors de l’arène. De la mise à mort, on n’entendra qu’un gros bang, synonyme de transition immédiate de vie à trépas pour le mastodonte qui marchait tranquillement entre les termitières. Pas d’esbroufes : Ewan a visé juste, entre les deux yeux. « J’ai abattu ma première vache à 12 ans et depuis, je n’ai jamais raté un seul coup » nous racontera-t-il plus tard.
decoupe de feu
Ewan nous donne le feu vert pour le rejoindre. Avec Miguel ils entament alors leur dépeçage synchronisé. Si cela avait été un sport aux jeux olympiques, le duo aurait eu toutes ses chances de monter sur le podium. Tapes franches au niveau des cuisses pour éliminer les derniers mouvements nerveux, entailles sèches à des endroits stratégiques pour retirer la peau, découpe des sabots… Chaque mouvement est exécuté avec précision et confiance. Nos deux larrons continuent même de se parler, de se faire des blagues, comme on discute autour d’un café sur la terrasse d’un bistrot.
La première étape est terminée ; le scalp intégral est achevé. En une vingtaine de minutes, ce qui ressemblait encore à une vache n’est désormais plus qu’un assemblage de muscles et de nerfs. D’un cours de zoologie on est passé à une démonstration de biologie, en australien non sous-titré évidemment. Alors certes, on ne comprend pas tout, mais ce qui se déroule sous nos yeux est suffisamment parlant.
La seconde étape consiste à ramener la viande à la maison, ce qui est difficilement envisageable en l’état au vu du poids du butin. Ce qui nous intéresse, nous, c’est ce qui se mange ; pas besoin de se trimballer tout l’intérieur. On soulève donc la vache avec le treuil fixé à l’arrière de la voiture et à l’aide d’un coup de couteau bien placé et de la gravité, on extirpe foie, intestin et autres estomacs bovins. Le tout sous le regard curieux des enfants qui tapotent le cadavre et des yeux d’un Miguel qui semble prendre son pied (littéralement).
COWS en stock
On enclenche ensuite la troisième étape : le transfert du pré à la chambre froide. Parce que oui, Ewan possède sa propre chambre froide… La vache accrochée au treuil ballote à l’arrière du ute pendant le chemin du retour. Un petit coup de main n’est pas de trop pour maintenir la bête en place. Une fois garé à proximité de ladite chambre, les complications commencent. Il faut transférer la viande dans sa maison de retraite sans qu’elle ne touche le sol pour éviter les contaminations.
On expérimente alors plusieurs solutions. Untel découpe la vache en morceaux pendant que machin essaye vaillamment de les porter sur son dos et que bidule tente tant bien que mal d’y enfoncer un crochet et de le suspendre à un anneau situé bien trop haut. Au final six énormes bouts de muscles et de graisse ont rempli la chambre qui semblait bien vide auparavant. On reste toutefois loin du record d’Ewan : 20 moutons parqués dans l’habitacle ! De quoi vous donner des frissons.
Le travail ne s’arrête pas là. Il faut découper tout cela en pièces de viande et les stocker dans le congélo sur lequel s’affichent fièrement des posters qui donnent la couleur. Le lendemain, emmitouflés dans nos vêtements les plus chauds, on observe Ewan découper avec précision côtes, épaules et autres douceurs pendant qu’on les emballe soigneusement dans des sachets hermétiques. De vrais bouchers en herbe.
C’est donc ici que prend fin le long cycle de l’élevage bovin. Comme pour les légumes du potager, on ne sera pas resté assez longtemps pour déguster « notre » viande ou pour assister à la vente du bétail que l’on a élevé. Cependant cette expérience à la ferme aura fortement nourri notre réflexion sur le monde rural (et nos ventres évidement).
lire cet article à midi n’était pas la meilleur idée que j’aie eu (les photos!!!)
c’est tres bien raconté et c’est la vie des vaches….
j’en perds mon orthographe »la meilleurE » idée
je pense qu’Ariane ne regardera pas trop les images…
Bien, très bien, ça favorise pas spécialement l’envie de rester » carnivore », mais le texte est parfait! Quant à la photo du voisin derrière la carcasse, franchement tu le croises la nuit dans le « bush », t’as pas envie qu’il te prenne en stop!!! 😂