Devant une maison sur pilotis flanquée d’un 4×4, d’un vieux ute et d’une voiture à remorque tirant un zodiac, on s’apprête à pousser la porte de notre premier HelpX. Le principe de HelpX est simple : en échange de quelques heures de travail journalier (divers et varié), un local nous accueille chez lui. Les repas peuvent être inclus en rajoutant une à deux heures par jour de boulot.
Pour notre première expérience en la matière, on a misé sur une famille de quatre personnes vivant à Rapid Creek, proche de la plage. Le quartier est résidentiel avec des parcelles régulières pour la triplette maison / jardin / piscine (le minimum syndical dès que l’on sort du centre-ville). Ici les passages-piétons sont inexistants, la tu-ture est reine et les trottoirs ont été progressivement envahis par la végétation dépassant des barrières des habitations.
« Attention aux marches en montant ! Avec la saison humide elles ont tendances à être glissantes ». C’est Maddie qui vient de nous avertir, la mère de la famille Copley qui est venue nous chercher à l’aéroport à 5h du matin. Maddie approche de la 50aine. En tenue sportive et le sourire aux lèvres, elle nous a préparé une liste d’accueil qu’elle nous détaille autour d’une tasse de thé sur la terrasse en bois.
Puis c’est au tour de Kate, la fille de 13 ans, d’émerger sur la terrasse. Tout en se réfugiant dans les bras de sa mère elle grogne à cause d’un tee-shirt d’uniforme scolaire non lavé. Kate vient d’entrer dans une nouvelle école pour suivre un programme plus adapté à ses capacités. « C’est une école pour débiles » crie-t-elle, « je ne l’aime pas ». Heureusement qu’il y a le karaté deux fois par semaine pour se défouler. Accompagné de Wii Sport et Just Dance au cas où il lui resterait encore un peu d’énergie.
Le rythme de vie chez les Copley est rapidement pris (malgré le décalage horaire). Deux à trois heures de travail le matin quand il fait plus frais, puis sortie l’après-midi dès que la température le permet au risque de devenir des animaux rampant cherchant l’ombre comme des grenouilles. Mais cet emploi du temps est régulièrement perturbé par les nombreux changements de plans de Maddie, de Kate qui tombe malade, de la cousine de 6 ans qui débarque pour la nuit et du détraqué qui rôde dans le quartier (une nuit, avant notre arrivée, le chien à aboyé dans la chambre de Kate qui s’est réveillée en hurlant en remarquant un homme dans sa chambre – creepy).
Le matin, petit-déj englouti, on est prêt pour une séance de rangement, nettoyage ou jardinage. Maddie a séparé le travail en deux : celui pour les filles – rangement de la maison, nettoyage des sols, vaisselle, lessive et garde d’enfant – et celui des garçons – jardinage, nettoyage de la piscine et décrassage des murs extérieurs. La réserve avec les outils et le matériel de jardinage est interdit aux demoiselles : « trop répugnant comme endroit ». Mais si par le plus curieux des hasards une fille voudrait s’essayer au travail périlleux du ramassage de feuilles mortes sur la pelouse, Maddie a prévu des gants roses de protection. Il faut dire qu’on n’est pas à l’abri de rencontres inattendues…
Le midi c’est détente dans la cuisine qui donne sur le salon et la salle à manger installée sur la terrasse. Les grandes baies vitrées partout donnent l’impression d’être dans les palmiers en permanence. Impression renforcée par nos amis les bêtes (geckos, cafards, souris, libellules, papillons et scarabées) qui rentrent et sortent de la maison comme bon leur semblent.
C’est à cette heure-là que Tim & Tom se réveillent de leur nuit. Ce sont deux backpackers français arrivés chez Maddie un mois plus tôt avec l’intention d’y rester un moment. L’un vient de fêter ses 19 ans et l’autre en a 26. Ils se sont rencontrés sur Facebook en cherchant un compagnon de route pour l’Australie et ont su avec le temps développer une relation « grand frère – petit frère » comme ils aiment à l’expliquer quand on les interroge sur leur différence d’âge. Tom a passé six mois dans une entreprise de fabrication de planche de surf pour se payer son billet d’avion. Quant à Tim, il prépare une conférence sur le thème « libérer sa pensée » qui développera un des articles de son blog qui a fait le buzz sur la toile. Leurs deux plus gros points communs : leur anglais francisé à 90% et leur désinvolture assumée.
Quand l’après-midi se fait moins chaude et humide, on prend le bus pour une ballade ou une visite. Darwin combine les avantages d’une capitale – un parlement, une université, des infrastructures développées – avec la tranquillité d’une petite ville des tropiques – « tropical attitude » selon les locaux.
De retour à la maison, on retrouve Kate sur son Ipad devant des vidéos d’ados youtubeurs et Maddie, un verre de gin tonic à la main devant Judge Judith. Après quelques courses à Woolworths, on s’installe à la terrasse pour dîner. Le soir de notre arrivée, Maddie nous a cuisiné une recette familiale de gratin de pomme de terre avec beefsteak et salade. Un régal !
De temps en temps, une sortie de groupe se profile : « vendredi à la plage », « book club » ou sortie en bateau. Et Maddie nous invite volontiers à partager ces moments avec eux. Tous les vendredis soir, pour fêter le début du week-end, les familles de Rapid Creek se regroupent sur les bords de mers pour un barbecue. Les parents s’enfilent quelques bières pendant que les enfants apprennent à lancer le ballon de rugby. Un seul et unique camion pizza est présent sur place et une attente d’une heure est envisageable pour obtenir sa petite Margarita à 15$ (comme si les australiens ne connaissaient ni les food trucks ni les pizzas).
Quant aux soirées book club, celles de Maddie sont assez atypiques. Départ à 20h pour retrouver son groupe avec le livre du mois en main et deux bouteilles de vin sous le bras. Ce mois-ci, c’est « Des souris et des hommes » qu’il fallait étudier. Retour de Maddie à la maison à minuit avec ses copines pour un after olé-olé : une des filles a ramené son nouveau boyfriend et a privatisé aussitôt la piscine, une autre nous parle de la règle d’âge des cougars avant d’inviter Tim (47 ans vs 26 ans) à nettoyer sa piscine à l’occasion, une reste statique sur une chaise à regarder dans le vide et essaie de temps en temps de bredouiller des mots incompréhensibles et une dernière, voulant sans doute démontrer sa force aux français, vient de donner un coup de poing dans le visage de Tom après avoir perdu au bras de fer. Et au milieu, Maddie distribue des verres de vin à qui en veut. La soirée se terminera à 4h du mat’ entre backpackers et Maddie, en dansant sur des chansons franco-anglaises.
Cela fait seulement une semaine que l’on est arrivé et l’heure des vacances scolaires a sonné. Tony le père de famille est de retour d’un voyage professionnel et Mitchell, le fils, revient de Melbourne où il a commencé sa première année à l’université.
Tony a les cheveux qui tombent sur la nuque et un t-shirt de surfeur sur les épaules. Dans sa jeunesse, il était guitariste et chanteur dans un groupe. Quand il a rencontré Maddie, il a décidé d’arrêter les bars et de trouver un « vrai » travail. Rapidement ils se sont installés ensemble. Un studio avec toilettes à l’extérieur et uniquement de l’eau froide.
Des projets, Tony et Maddie en ont beaucoup. Petit à petit ils ont acheté une maison, puis deux, construit leur bateau, agrandit à deux reprises la famille et obtenu de bons jobs. Tony a monté son entreprise de télécom en Indonésie et s’y rend régulièrement. Son temps libre est principalement dédié à l’entretien du bateau, à la navigation et à l’apprentissage du monde marin pendant que Maddie gère l’intendance. Un duo qui fonctionne à merveille.
Les vacances scolaires sont toujours l’occasion de partir en mer. A contrecœur, Kate lâche sa manette de Wii et monte sur le catamaran. Quant à Mitchell, il préfère organiser des « petites soirées » entre amis à la maison plutôt que de partir en vacances avec ses parents. Pendant ce temps, Maddie se rappelle de son plus beau voyage : deux mois en bateau sur les côtes indonésiennes, et ce malgré l’école qui reprenait pour les enfants. Parfois Tony et elle partent seuls, en amoureux, sur la mer et se prennent à rêver d’une vie loin des terres…
C’est très bien raconté on est très vite accro
Bises à vous deux