Taranakis, au bon lait de Kiwis (part. I)

Mont Taranaki, Nouvelle-Zélande. Notre jubilé chez les Kiwis promet d’être épique. Jugez plutôt : ravitaillement pour 12 jours (un record), 2 stops pour atteindre le départ, un soleil au top de sa forme et pas de tente (une première). Les huttes éparpillées çà et là feront largement l’affaire.


Jour 1 / Visitor center – Waingongoro hut / 12km – 5-6hr

Mais notre enthousiasme est vite refroidi quand la ranger du visitor centre nous annonce une météo cauchemardesque pour la semaine à venir. Un rapide coup d’œil sur l’internet pour confirmer ses dires et nous voilà penauds, comme 2 enfants à qui on aurait retiré les cadeaux de Noel un 26 décembre. Abattus, on trouve un semblant de motivation pour traîner nos carcasses à la première hutte qui se situe à 1h30 de là. On y passera la nuit et on avisera demain du programme.

Ayant toute l’après-midi devant nous, et il faut bien le dire, encore sous le choc, la pauses sont légions. De même pour les photos de Taranaki qui s’offre à nous pour la première, et vraisemblablement, dernière fois. Finalement, la marche aidant, on se convainc de pousser jusqu’à la hutte suivante, 3h plus loin. L’occasion d’admirer le sommet enneigé, les falaises encaissées, de franchir le plus haut pont du parc (30m !) et de croiser quelques panneaux pour le moins étranges. A 100m d’intervalle, on nous annonce que les 3 prochains km prendront 1h, 50min puis 2h à parcourir. Faites votre choix.

C’est finalement à 18h30, l’appétit bien ouvert, que nous arrivons à notre logis du soir, satisfaits de notre choix. Vue imprenable sur le mont, pas âme qui vive dans les environs ; peu importe la pluie des jours prochains, cette soirée nous fera le plus grand bien.

Jour 2 / Waingongoro Hut – Lake Dive Hut / 9,5km – 4-5hr

Si la nuit a été bonne, le réveil l’est tout autant. Les pronostics sont déjoués : le ciel est d’un bleu pur, dénoué de toute aspérité nuageuse. Il n’est faut pas plus pour nous refaire changer d’avis, c’est à la prochaine hutte que nous dormirons ce soir ! Pas de repos pour les guerriers. Le trajet qui s’annonce ressemble à un « M ». Montée, descente ; montée, descente.

Les 2 premières sont effacées rapidement. Galvanisés par ce don du ciel, nous voilà arrivés au 2nd visitor centre. On en profite pour une mise à jour météo qui elle aussi semble de meilleure humeur. La pluie est certes toujours de la partie pour le reste de la semaine, mais de façon un peu moins soutenue. On apprécie le geste de dame nature et on se remet en route. C’est pas qu’on est pressés mais aujourd’hui, la pluie est prévue vers 14h.

En avant donc pour la seconde moitié du « M », bien plus raide cette fois. Les cuisses chauffent. A peine le temps de saluer les 2 rangers qui réparent un ponton en bois que voilà les premières gouttes, sacrément en avance. Et plus on monte, plus le brouillard nous avale. Le paysage s’efface complètement autour de nous et la pluie devient grêle, qui à son tour devient neige. Mais nous, on reste marcheurs, et il faut bien continuer à avancer. C’est d’ailleurs ce que devait se dire ce coureur en short/baskets qui faisait le trajet dans l’autre sens…

Et soudain, tout s’arrête. Les nuages se dissipent et laissent apparaître au loin la hutte promise dans un halo de soleil divin. Devant tant de promesses, on double la cadence. La forêt qui nous sépare de notre cabane (d’un soir) irradie de ses couleurs jaune, orange, verte, et suinte encore de la récente averse. Il est facile d’y perdre son regard mais la concentration reste de mise pour dévaler la dernière pente jonchée de racines.

L’arrivée se fait sans encombre, d’autant que la pluie reprend de plus belle, comme si elle n’attendait que nous. Mais c‘est désormais au coin du feu que nous assistons au déluge.

Jour 3 / Lake Dive Hut / Repos

Au vue des prévisions météos initiales, il était prévu de temporiser une journée ici, tranquillement. Mais voilà qu’encore une fois, c’est un ciel bleu éclatant qui nous accueille au réveil. La tentation n’a d’égale que notre désorientation. Est-ce un piège ou une invitation ?

Pour répondre à ces questions, on décide d’utiliser l’appel à un ami, la garde forestière du centre en l’occurrence. Verdict : « prenez votre temps les enfants, il fera bien meilleur demain ». On se renfonce donc sagement dans nos duvets, rassurés par les nouvelles. On a de quoi s’occuper de toute façon : magazine de chasse et pêche, de caravanes et camping-cars, revues scientifiques… Les huttes peuvent être pleines de ressources ! A cela s’ajoutent notre livre de sudoku et le PC qu’on a emporté spécialement pour ce genre de situation. Mens sana in corpore sano comme dirait l’autre.

Quelques heures après, l’idylle extérieure laisse place au déluge. Note pour plus tard : brûler un cierge pour mamie ranger. En parlant de ranger, voici qu’un cinquantenaire débarque à la hutte. Un membre du DOC, le département de la conservation. Il est là pour récolter des informations sur les populations de rats, belettes et opossums qui hantent le parc, déciment la faune et la flore et incarnent l’ennemi public n°1 en Nouvelle-Zélande.

De notre côté, on vaque sereinement à nos activités : snacks, repas chauds, observations du paysage sous la pluie, de Taranaki qui joue à cache-cache, du vieil arbre tortueux qu’on aperçoit depuis le dortoir, des strates végétales qui composent le parc… Le ranger repart et on se dit que compte tenu des températures ambiantes, un feu ne serait pas de trop. Nous voilà donc à fendre des bûches à l’aide d’un moyen 100% kiwi : une sorte de mâchoire en métal qui permet de fissurer le bois à l’aide de coups de marteau bien sentis. Bien plus efficace et bien moins physique que la hache traditionnelle. Une superbe invention que n’aurait pas reniée Géo Trouvetou.

Nous pensions repasser une nuit seuls mais c’était sans compter sur l’obstination des locaux. A travers la brume et la pluie émerge subitement une silhouette hagarde. C’est Simon, un habitant du coin, dont la philosophie se résume à cette phrase : « à quoi bon avoir le matériel adapté si c’est pour ne pas s’en servir ». Implacable. Et son timing est bon car voilà que le feu est lancé.

Finalement, en fin de journée, la météo refait volte-face et le soleil s’exhibe comme jamais. On se précipite dehors pour une session de luminothérapie et pour les plus courageux, une douche sommaire (mais bienvenue) à base de pot de fleur et arrosoir percés.

Entre deux discussions au coin du feu, notre hôte nous offre 2 œufs durs qui donneront une toute autre dimension à nos noodles préférées. La nuit tombe et nos paupières aussi. Juste le temps pour nous de se dire encore une fois que, quand même, ils sont sympas ces Kiwis.

Jour 4 / Lake Dive Hut – Waiaua Gorge Hut / 10 km – 7-8 h

Sur le papier, cette journée est la plus longue. Passons sur le grand ciel bleu du matin (on commence à s’y faire) qui permet néanmoins d’apprécier le reflet de Taranaki dans le lac qui jouxte la hutte. On décolle à 7h30 avec un dernier cadeau de Simon (quelques carrés de chocolat !) qui a rallumé un feu et sirote son café en lisant son journal. Comme à la maison.

Pas le temps de se chauffer que la montée nous emporte, à grands coups de marches en mousse et flaques d’eau. Un dernier regard sur la hutte et nous voilà arrivés au-dessus de la forêt, en plein dans les tussocks. Les vues sur Taranaki se succèdent, les gorges et les crêtes aussi. De même, pour la météo qui alterne de façon erratique entre soleil, brume, brouillard et nuages légers. Une variété de microclimats qui, chacun à leur façon, souligne les détails et contrastes du paysage.

On aperçoit également la circularité absolue des frontières du parc, au-delà desquelles s’étendent champs et océan à perte de vue. La contemplation est de courte durée car voilà qu’arrive le passage délicat du jour. Le chemin serpente le long d’une falaise à pic et à l’ombre. Humidité garantie. L’étroitesse et la minéralité du passage ne facilitent en rien la tâche, déjà rendue ardue par nos ventres qui gargouillent.

Et comme si la forêt nous avait entendu, voici qu’apparaît un arbre au tronc tout en courbes délicates. Une invitation au déjeuner qu’il serait indigne d’ignorer. Repus, on peut entamer la dernière (longue) descente qui mène à la hutte. L’occasion de se replonger dans cette forêt plus belle et sauvage que jamais. Dernière étape (et pas des moindres) avant le repos éternel : la montée d’une échelle plantée là en sortie de rivière. Avec les sacs, l’équilibre est précaire mais le soulagement lors de l’arrivée n’en est que plus grand.

Étirements, feu et tasse de thé… Un rituel désormais parfaitement maîtrisé qui nous mène tout droit dans les bras de Morphée.

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Mom dit :

    Les photos prennent une autre dimension avec la narration des péripéties ….toujours sous le charme mais bien confortablement installée

Laisser un commentaire