Straight Outta Yuendumu

Nous sommes en 2017 après Jésus-Christ. Toute l’Australie Centrale est recouverte par le désert. Toute ? Non. Une communauté d’irréductibles aborigènes résiste encore et toujours à la chaleur. Plus qu’une en réalité. Mais l’idée est la même. Une immensité rugueuse et hostile dans laquelle on se demande comme l’activité humaine peut se développer. Et sans potion magique qui plus est…

Yuendumu a une position centrale dans ce bout de nulle part : une route directe vers Alice Springs, quelques infrastructures (dispensaire, terrain de basket couvert, trois supérettes, un centre de police), une école, un centre associatif et le média associatif PAW (Pintubi Anmatjere Warlpiri) dont la radio émet ses ondes dans le désert, tels des songlines modernes. Il permet de diffuser les idées et cultures aborigènes avec des sessions débats, de la musique et la production de la mini-série Bush Mechanics, ainsi que l’expo associée qui s’est invitée ici le temps d’une journée.

En dehors de cela, que de la terre battue rougeâtre. Pas de trottoir, pas de panneau d’information ou de grande maison pompeuse. La routine s’installe facilement et on se laisse aller à l’incontournable promenade du soir avec les quelques chiens du centre qui nous suivent à la trace. L’occasion de se rendre au lac du coin pour observer les chevaux sauvages s’abreuver à la nuit tombée ou de passer par une des supérettes. On y trouve des chips, du soda et autres produits gras, salé et sucré. Mais aussi quelques denrées fraîches au prix exorbitant. Atteindre les cinq fruits et légumes quotidiens demande un investissement financier non négligeable. Sans parler des prix annoncés qui ne sont finalement pas ceux en caisse…

C’est dans une de ces supérettes qu’on a fait la connaissance d’Alex, un backpacker français d’à peine 20 ans, archétype du baroudeur sympa : une tchatche sans pareil, un grand nombre de pays déjà visités à son compteur et une seule tenue – marcel, pantalon, veste – pour laisser plus de place à sa guitare et à son djembé. Il attend ici de se faire assez d’argent avant d’embarquer en bateau-stop vers l’Indonésie. On le croise au minimum une fois par semaine au centre d’art, lorsqu’il vient prendre sa douche hebdomadaire au son jazzy de son enceinte portative. Ce n’est pas forcément autorisé mais Gloria laisse couler. Une douche dans le désert, ça n’a pas de prix.

Pour passer le temps, les discussions vont également bon train ; en français avec Alex, en anglais/warlpiri avec les habitants du village et en anglais avec les autres volontaires. En un mois, les amitiés se forment, évoluent, des idées et points de vues s’entrechoquent. On se montre ses performances artistiques (danse, photos, peintures…) et un autre volontaire essaie même de nous vendre ses tableaux de poissons… C’est cela la vie en communauté. Hautement symbolisée par chaque départ de volontaire qui indique discrètement au préalable à qui revient sa nourriture restante.

Le vendredi midi, day off pour les artistes, Fiona organise amoureusement des repas partagés où elle déploie alors sa petite nappe brodée sur la table de la cour du centre d’art avec posée dessus un bouquet de bougainvilliers et une grande soupe de légumes au épices. Chacun ramène son petit quelque chose en plus. Les sujets de conversations vont des événements de la semaine à des questionnements parfois plus métaphysiques (« cela a-t-il rempli ton cœur ? ») où une réponse cartésienne n’a pas toujours sa place, en passant évidemment par les tableaux qui ont été produits et dont certains trônent dehors sous notre nez.

Les vendredis soirs des vacances scolaires, une association organise également des soirées à thème au terrain de basket pour secouer le cocotier et les aspirations occidentales de la progéniture aborigène. Avec barbecue à l’appui. Autant dire que personne ne se fait prier  pour participer à un peu d’animation et des hot dogs pain de mie/saucisse/oignons/ketchup.

On se retrouve donc pour des séances d’observation et rigolade, des rencontres de basket endiablées ou encore un défilé de filles apprêtées pour l’occasion et de quelques garçons travestis. A chaque fois le rituel est le même : une petite nous supplie inlassablement de la porter sur notre dos, d’autres courent derrière les ballons et le reste pédale à toute berzingue sur des vélos défoncés. Tout intrigue, interroge et s’anime dans une ambiance électrique.

Le feu d’artifice du 1er juillet pour célébrer l’auto-gouvernance du Northern Territory fut l’un des grands moments du séjour. C’est le seul état d’Australie où chacun peut acheter librement des feux d’artifices (à des boutiques dont certaines n’ouvrent qu’un jour par an !) et allumer la mèche à tout moment.

Durant toute la journée et jusqu’au petit matin, le ciel se drape alors de multiples fumées colorées et des gerbes lumineuses jaillissent dans tous les sens. Les mesures de sécurité réglementaire, si tant est qu’elles eusses existé, sont mises de côté et chacun y va de sa démonstration explosive. Sans parler des fusées dont l’angle bancal ne part pas toujours vers les étoiles… Un joli capharnaüm qui illustre à merveille l’esprit d’ici et de l’outback en général.


Play With Fire… Un feu d’artifice c’est bien, mais ce n’est qu’une fois par an. Alors en attendant, il faut bien s’occuper autrement. Une fois, alors que l’on mangeait tranquillement notre encas du midi, on a entendu un cri affolé qui venait de la maison d’à côté. Le jardin était en feu. C’est à ce moment-là qu’il a paru opportun au jardinier à temps-partiel du centre d’art de préciser qu’il faisait un peu de nettoyage au feu dans l’arrière-cour et que peut-être, par un concours de circonstances fortuites, ledit feu avait un peu dépassé les limites de la parcelle. Au vu de l’ampleur du bousin et devant le manque évident de pompier dans les parages, on a tous porté la lance incendie à droite à gauche pour stopper la catastrophe. On avait déjà eu un avertissement du danger potentiel un matin, quand on avait senti le brûlé en se réveillant derrière le Donga et qu’il avait fallu vider les bouteilles d’eau par-dessus la fenêtre…


Le week-end, Christine, la frenchy qui travaille à Warlu, nous emmène dans son tout-terrain pour une virée dans les alentours. Derrière la végétation éparse et sous la terre poussiéreuse se cachent moult découvertes. On peut aller par exemple se prendre pour Indiana Jones dans la région des emu eggs, ces gigantesques rochers aux courbes épurées qui sortent de nulle part, comme abandonnés par des dromaiidés géants. Cela demande simplement de faire abstraction des innombrables mouches qui virevoltent.

Pour les moins sportifs mais non moins aventureux, passer la soirée autour d’un feu au milieu du désert, à regarder les étoiles, refaire le monde et se laisser imprégner des esprits de la région en dégustant un damper bread préparé aux flammes est un rite de passage incontournable.

Et pour les férus d’après-midis « histoire », il est tout à fait possible de déambuler dans une des stations abandonnées qui témoignent du passé agricole (pas si ancien) de la région. Idéal pour se laisser aller et se perdre dans le bush tout en admirant l’horizon prendre des couleurs pendant que le soleil va se coucher. Et avant de dormir, on peut au passage aller se dégourdir un peu les jambes dans la décharge automobile du coin.

Puis il y a eu ce fameux week-end où il a plu non-stop pendant 48h, dans le désert. Un comble. Les enfants ont joué dans les flaques d’eau sur les routes pendant que les volontaires sont restés bien au chaud dans le Donga. L’occasion d’une session tatouage sur le canap’ pour les plus téméraires, d’une petite lecture de BD sur le Larapinta trail (un trek dans les environs) ou de l’apprentissage de mots warlpiri autour d’un thé aromatisé à la noix de coco du bush. Parce que oui, le désert peut aussi alimenter les hommes, pour peut qu’on sache s’y repérer et se débrouiller. Mais ceci est une autre histoire…

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. boby53 dit :

    J’ai pas très bien compris le sens du dessin animé, mais bonne musique! Ca date de quand, juillet? Pas tout frais…
    Bises à vous deux,

    Dad.

Laisser un commentaire