Poids plumes sur le bitume

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Une voiture comme maison ambulante. Un coffre comme lit douillet, de l’eau sous les sièges, de la citronnelle brûlante sur le toit, des portières comme garde-trésors, de l’huile sous le capot, des moustiquaires tendues sur les fenêtres, des rétroviseurs comme étendoirs. Au bonheur roulant, demeure suivant, cœur allant.

Kilomètre après kilomètre, jingle de la radio toutes les heures, pause pipi sur l’aire de Wangi. Repérer les panneaux marron ; celui-là c’est le bon. S’engager sur la terre battue poussiéreuse d’un chemin sans fin, virage serré, apnée sous la rivière. Prier pour continuer. Sentir les secousses d’une route trouée par l’âge et ressentir le paysage façonné par la Terre. La beauté des eucalyptus au petit jour, le mystère des boabs sous la pleine-lune, la savane encore fumante, la forêt suintante.

Surprendre un jabiru barbotant dans la rivière quand la voiture roule sur le pont. Fixer un croco-boxeur à la station-service la moins chère. Observer le paysage, tantôt changeant tantôt semblant, gris, vert pâle, jaune, rouge, noir, tout a brûlé, nettoyage intégrale d’automne avant de repartir.

Compter les wallabies qui sautent et les road trains qui taillent la route ; les road trains gagnent souvent, les wallabies oublient et s’en retournent gratter la terre rouge avec avidité. Un petit voudrait se lover à nouveau dans la poche de sa maman. Cette fois elle accepte, demain elle refusera et le petit apprendra, demain.

Encercler de ses pas un billabong, témoin d’une saison en déclin, rempli d’eau de mousson, de nénuphars flottants et de crocodiles. Bientôt il ne restera plus rien, trop sec ; les oiseaux s’en iront vers d’autres rives et les hommes prendront campement de son lit. Danse à la nature, écoute des sages, apprentissage et passage.

S’activer préparer assembler. Marcher gravir suer. Repartir ? Non, ce soir nous dormirons encore dehors, à côté du feu protecteur, rêvant d’histoires de goannas et de serpents plus vieilles que nous, la tête appuyée sur la voie lactée. Faire un vœu à l’étoile filante qui traverse le ciel, bon voyage ma belle. Un jour tu nous raconteras ton histoire, dis, et nous discuterons des planètes et de la vieille Terre meurtrie ; nous diras-tu quelque secret de l’univers ?

Contempler les hautes termitières de bords de route, cocon-fort orangé de terre aplatie. Construire, s’élever, engranger des provisions pour le retour de la pluie. Dans les arbres la termitière fait feu de tout bois, creusant sans relâche jusqu’au déséquilibre du végétal déchu. Un homme passe alors sur le sentier, récupère le vieux tronc fatigué par la lutte et lui insuffle une seconde vie, musique envoûtante du didgeridoo.

Se purifier le corps d’eau chauffée à la pierre au milieu des forêts tropicales. Les palmiers rois, les oiseaux troubadours et nous, pèlerins des premiers jours, flottants dans la rivière serpentine. Copier les poissons, la grenouille joyeuse qui croasse son bonjour aux visiteurs d’un jour. Surtout pas de fin, que la lune n’apparaisse pas, que le soleil projette ses rayons dorés encore un instant et quand nous sortirons, la peau fripée et l’esprit lavé, la journée sera terminée.

6 commentaires Ajoutez le votre

  1. Mom dit :

    Quel beau texte…un souffle d’aventure qui nous ébouriffe jusqu’ici
    bonne route….

  2. airoz53 dit :

    On the road again…..
    Let’s go!

  3. Ruiz dit :

    Merci de nous faire partager votre émerveillement ! Tout est si ancien, tout est neuf !

  4. mom dit :

    « roads are made for the trip not for a destination » Confucius (lu hier)

  5. antoine dit :

    ah bin dit donc, nomade poête sous les etoiles sautantes, dommage que le 3 janvier 2018 21h soit dans quelques jours, on boira à ta santé au jo’s en lisant vos histoires ( il n’est ps trop tard pour preparer une lettre electronique ) bravo copain. bonne raclette. antoine

  6. tournier dit :

    Très bien bien copain, l’aventure sous les étoiles soufflantes, comme quand on allait se ballader à l’air saint michel mais en plus grand longtemps. Et donc, j’attends ton message pour le rendez-vous du 3 janvier avec impatience hein, un petit message quand même, pour qu’on (je) puisse boire à ta santé ! Continuez bien. Bonne raclette. antoine

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