La balade de la rivière salée (part. I)

Australie Centrale, Alice Springs. Peu importe la direction où se porte notre regard, tout n’est que désert à perte de vue. On a entendu parler d’un trek qui permettrait d’en voir un bout, d’avoir un (petit) aperçu de cette immense étendue qui nous entoure. Plus de 200km certes, mais l’offre est trop alléchante pour dire non.


Jour 1 / Alice Springs – Telegraph Station – Wallaby Gap / 17km

Premier jour sur le Larapinta Trail. Et première fois que notre sac est aussi lourd. 7 jours de nourriture (matin, midi et soir), sans compter les 6 litres d’eau nécessaires pour ne pas fondre en chemin. Arrivé à Telegraph Station (où le trail débute vraiment), un petit kangourou rouge nous souhaite bonne chance.

Ce midi, c’est haricots/maïs…et camembert qui restait de notre week-end à Alice Springs. Nos papilles en sont toutes retournées. On se retrouve rapidement au milieu de la nature : du gris, bleu, violet pour ce qui est desséché ; du jaune pâle pour les spinifex, et du blanc neige pour quelques autres plantes (résistance à la chaleur oblige). Quelques arbustes étrangement verts complètent le tableau. Terrain vallonné et caillouteux.

Et voici l’Euro Ridge, une crête somptueuse et imposante que l’on longe sur une centaine de mètres. Le vide à côté de nous est impressionnant, autant que le paysage des MacDonnell Ranges qui se dessine au fond.

Nous pensions être seuls, mais c’était sans compter que la soixantaine de mouches qui nous accompagnent sur nos sacs et chapeaux. On passera la nuit au camping de Wallaby Gap, qui n’a de vrai que les crottes de wallaby.

Jour 2 / Wallaby Gap – Mulga Camp / 26km

L’attraction de ce second jour, c’est Simpsons Gap : une gigantesque brèche au milieu de laquelle passe (théoriquement) une rivière. On se sent tout petit, minuscule.

Le midi, c’est haricots/maïs pour la 3ème fois consécutive… A ce sujet, la nuit nous a amené à nous interroger sur notre choix de nourriture. Pour faire simple, on a complètement craqué. Le constat est simple : 1kg de riz nous fait 4 repas pour deux. Au lieu de cela, on s’est tourné vers des boîtes de conserve. Pour faire 4 repas, il en faut 8. A 400g la conserve, on vous laisse évaluer le taux de bêtise induit…

La fin de journée est l’occasion de traverser une vallée dévastée, entièrement brûlée, avec un fond sonore le vent qui souffle entre les collines, façon les 12 travaux d’Astérix (le 11ème en l’occurrence, avis aux amateurs).

L’arrivée au camping aura été plus compliquée que prévue en raison d’un kilomètre « bonus » qui ne figurait pas sur les indications… Mentalement, après 25 bornes de marche, c’est pas facile. Mais ce soir on change de repas. Alléluia.

Jour 3 / Mulga Camp – Millers Flat / 19km

La matinée est particulièrement froide. Une paire de gant pour deux, c’est mignon mais c’est un peu con-con. On passera les 10 premiers kilomètres à chasser/croiser un autre couple. Une fois les 11h sonnées, on ne les reverra plus. Trop forts pour eux. D’autant que ce passage de 1,2km dans le lit ensablé d’une rivière aura certainement creusé l’écart.

Le kilomètre « bonus » a encore frappé… Heureusement que c’est le matin et qu’on avale les kilomètres comme notre repas du midi, à base de haricots évidemment. La motivation est telle qu’on décide comme ça, paf, de prendre le chemin alternatif qui passe au sommet des montagnes (1 100m d’altitude). Inutile de préciser qu’on ne regrettera aucunement notre choix.

Ce 3ème jour sera aussi notre première nuit « sauvage » (entendez par là sans accommodations), ainsi que notre première nuit en solitaires. Et puisque c’est la journée sans limites, on s’autorise même une « douche » maison à base de d’eau de fond gourde qui traînait par là.

Jour 4 / Millers Flats – Jonction 4-5 / 23km

C’est une valse à 4 temps qui nous attend pour ce 4ème jour. On commence par arpenter le lit d’une rivière, puis deux, puis trop. 5km en deux heures…

Même si le nom du trail commence à faire sens (Larapinta signifiant « rivière salée » en aborigène), on s’inquiète pour la suite – en s’octroyant malgré tout un chocolat chaud à un des rares café du trek.

On active le mode robot pour le 2ème temps : grimpette du mont Brinkley Bluff (1 209m). Du sable aux sommets, il n’y a qu’un pas qu’on franchit plus vite qu’on ne le pense. L’espoir renaît. La vue est imprenable. Et puisque décrire l’indescriptible est vain, contemplons.

Arrive le 3ème temps : la descente, aussi abrupte que soudaine ; puis le 4ème temps, déjà. Une balade tranquille où nous sommes accueillis par des shboubs touffus (mignons mais piquants). Demain, c’est rebelote. D’autres sommets, d’autres tempos. En attendant, on savoure nos noodles.

Jour 5 / Jonction 4-5 – Ghost Gum Flat / 22km

On a dû bien dormir puisqu’on se réveille 30 minutes plus tard qu’à l’accoutumée. Pourtant, ça caille toujours autant la nuit. Les 5 premiers km ressemblent plus à de l’escalade. On ne randonne plus, on grimpe. Exit les rivières, on est clairement ici dans les vestiges d’une cascade.

Nous voilà de retour sur les crêtes, dans les hauteurs. On commence à s’y faire. Celle-là se nomme Razorback Bridge. Mais l’habitude n’altère en rien la fascination, continuellement renouvelée.

On redescend chatouiller la gorge d’un certain Hugh pendant 2 bonnes heures (coquin), et on fait le plein de chance en croisant des centaines de trèfles à quatre feuilles. La fin de journée sera l’occasion de faire connaissance avec un nouveau paysage, magnifiquement plat, ponctué de « Ghost Gum » de ça et là. On pense de plus en plus à notre food drop du lendemain. Mais avant, il faut finir sa soupe (de noodles) à l’ombre de ce que l’on appelle ici un arbre à miel.

Jour 6 / Ghost Gum Flat – Ellery Creek / 25km

Au moment de se coucher, rencontre improbable. Un néozélandais surgit de la nuit pour se reposer quelques heures au même camp que nous. De son visage et son nom, nous ne saurons rien. Juste qu’il s’est trompé de jour pour son vol et qu’il doit maintenant se dépêcher pour retourner à Alice. Atypique.

Pour cette dernière étape de la semaine, on traverse la vallée sur 25km. Océan désertique avec pour horizon les Heavitree Ranges, orange comme la mer, sacs légers comme le vent. Grisant.

Ellery Creek. On y est, enfin. Ce dont on rêve depuis 5 jours est là sous nos yeux. Ce soir c’est Byzance : double ration de haricots/maïs saupoudrés de raisins secs en entrée, pâte fraîches avec sauce tomate en plat. On a juste oublié de se prévoir un dessert digne de ce nom. On y pensera la prochaine fois.

Mais avant ce festin, un impératif s’impose. Laver à la main nos 6 tenues hebdomadaires. Pas une mince affaire… On apprend tous les jours en rando on vous dit. Pas le temps de se baigner dans la crique, il fait déjà trop sombre et froid. On se projette sur la suite. Demain est un autre jour, une autre semaine, une autre aventure.

 

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