Voilà bientôt un an que notre blog existe. Un an que l’on se creuse les neurones pour mettre des mots sur notre itinérance, que l’on tente tant bien que mal de trouver un peu de temps entre deux péripéties pour publier ce qu’on pourrait appeler pompeusement nos mémoires. Mais force est de constater une chose : nos doigts vont bien moins vite que nos pieds.
Alors il nous semblait opportun de publier cet article un peu spécial qui fête les 365 premiers jours de notre aventure de l’autre côté du globe, histoire de faire le point sur notre état existentiel, sur l’année écoulée et surtout, pour expliquer pourquoi le blog est devenu une entité complètement anachronique.
Revenons au début. Une petite graine germe lentement, doucement dans notre cerveau. Il lui suffit d’entendre quelques récits de voyages et voilà qu’une feuille surgit. La vue d’un planisphère, d’un animal inconnu ou d’une cérémonie ancestrale et c’est tout un arbre qui grandit. Et d’un coup, sans prévenir, un bourgeon pousse. « Tu crois que nous aussi on pourrait partir ? » « Non c’est compliqué, on ne peut pas tout quitter, c’est trop dur. » Et ça suffit… pour un temps. Parce qu’une fleur apparaît soudain, puis une deuxième, et sans crier garde la floraison est complète. L’envie devient trop grande alors on trouve des solutions, on planifie et on se renseigne. On prend nos premières décisions de bébés-voyageurs : le Pacifique, un an, des randonnées, quitter son travail, vider son appartement en location, faire du tri, prendre une assurance et finalement, l’acte fondateur, acheter deux billets d’avion aller simple vers l’inconnu.
Reste le plus dur : l’annoncer à notre famille, aux amis, aux collègues. Le dire franchement ou pas ? Etre enthousiaste ou modéré ? Quand, comment, où l’annoncer ? Toutes ces questions qui tournent en boucle dans nos têtes. Bon allez courage : on le dira demain !
« Mais pourquoi tu pars ? » Parce que ! Parce qu’on est resté trop longtemps devant nos ordinateurs à pianoter nos rapports le dos courbé vers notre écran, parce qu’on veut voir le monde par nos propres yeux, parce qu’on est curieux, étonné et que notre nature d’éternels émerveillés nous pousse plus loin ; parce qu’ailleurs c’est beau aussi et que cette beauté nous appelle ; c’est triste et qu’on doit comprendre cette tristesse ; c’est joyeux et qu’on désire participer à cette joie. La liste est longue.
On réfléchit au sens d’une telle entreprise, aux objectifs qu’on souhaite se fixer. On voudrait voyager différemment, pas comme si on était en vacances pour une semaine. On ne part pas en vacances là. On part pour une histoire au long cours. On veut prendre notre temps, aller à gauche et aussi à droite, à pied si possible pour s’arrêter où l’on souhaite, ou en bus, rapport à notre emprunte écolo, mais pas en voiture ni en avion, trop rapide, trop solitaire. Ce voyage c’est l’occasion d’aller à la rencontre des gens, de sortir de son petit cocon tout chaud pour se frotter à l’autre, aux autres. Alors on essayera aussi d’éviter les hôtels, Airbnb et auberges de jeunesse. On ira chez l’habitant ! Dormir chez lui.
Bon oui, on a loué une voiture pour parcourir des parcs nationaux, oui on a profité de relocations de camping-car pendant quelques jours, oui on a pris l’avion pour rejoindre la Nouvelle-Zélande, mais toujours après avoir étudié toutes les possibilités. On s’est retrouvé face à des situations où il fallait vider notre PEL ou utiliser ces véhicules bannis de notre vocabulaire. Y aller ou ne pas y aller ? On y est allé parfois, sans regret, c’était toujours chouette. Notre philosophie de voyage a su se contorsionner quand il le fallait. La gymnastique du voyageur quoi.
Quant aux logements on affiche à notre tableaux seulement quatre nuits en auberge en un an, quelques nuits blanches, plusieurs campings sauvages au petit bonheur la chance, des campings plus réguliers, des veillées en voiture mémorables, deux nuits en refuges de montagne à tenter l’impossible, des nuits dans les huttes néozélandaises et surtout, plein de nuits dans une chambre douillette ou une caravane cosy chez des wallabies et des kiwis accueillants. Merci à HelpX (découvert au hasard d’une conversation avec une amie d’amie) qui nous a permis de rentrer en contact avec eux. Au final, on est content de nous, d’avoir su tenir et en même temps ne pas tenir à 100% ces deux objectifs. On est resté dans l’esprit de ce qu’on avait imaginé.
Et puis notre voyage ne serait pas le même sans la randonnée. Ce grand bol d’air pur et ces paysages renversants qui nous permettent de renouer avec dame nature. On a acheté tout notre matériel de marcheurs, comparé les rapports qualité-prix-poids de chaque équipement, attendu les soldes pour craquer notre portefeuille, remercié les collègues pour le coup de pouce final, et on est arrivé tout neuf, prêts à en découdre avec les éléments. Au début on a été un peu frustré, la saison des pluies du Top End s’éternisait nous interdisant la marche sur une longue durée. On a attendu et finalement tout s’est accéléré avec le Larapinta Trail, dans le désert. Ensuite il ne s’est pas écoulé un mois sans itinérance sur les chemins, dans les forêts, sur la plage ou au milieu des montagnes. On a eu du mauvais temps, des journées sans eau ; mais jamais on a songé à s’arrêter (enfin presque jamais…).
En parlant de s’arrêter il faut également préciser que les arrêts prévus au départ ainsi que les temps d’arrêt ont complètement dérapé. Notre plan initial de passer trois mois dans quatre pays différents pendant un an a été revu et corrigé plein de fois, un exercice de souplesse quotidien auquel on s’est abonné. Les imprévus arrivent, la mauvaise météo prend ses aises, la fatigue se fait ressentir de temps en temps. Du coup, on pose nos sacs et on attend. Le lieu nous plait, les gens sont sympas, une opportunité se présente. Alors on rallonge un peu notre séjour et on reste sur place. On se rend compte que cet objectif temporel était trop frustrant. Tout aurait été trop vite. On n’aurait pas retenu, pas connu, pas assez vécu.
Il faut dire qu’en un an notre façon de voyager a évolué. En arrivant en Australie, on avait planifié notre étape de trois mois. On savait où on allait, ce qu’on voulait faire impérativement. Maintenant c’est plus ouvert. On décide plus tardivement, on planifie moins, on fait du stop, on se laisse aller au hasard. On fait d’avantage confiance et on se fait confiance. Plus de frein à main, on part en roue libre.
Nous aussi on a changé ! Les expériences acquises çà et là s’accumulent et se bousculent dans nos esprits. Tourner du bois, entretenir des jardins, creuser des allées, cuisiner au feu de cheminée, s’occuper du bétail, rénover un appartement, construire une maison… Autant de façon de vivre qui pourraient un jour devenir notre propre réalité. On parle plus facilement ; on commence à en avoir des choses à raconter aussi. Et puis tous ces poils qui poussent, qui poussent. Les cheveux, la barbe. On regarde jusqu’où ça va. C’est rigolo, plus on avance dans le temps, plus on ressemble à nos premiers ancêtres. On imagine que nos muscles sont aussi plus solides, même si cela reste à confirmer. Couper des bûches à la hache, c’est pas encore sur notre CV. Bref, une gymnastique mentale et physique qu’on pressentait déjà dans la préface de notre blog.
Le retour ? C’est quoi ce mot ? Il fait un peu peur. Alors on l’oublie un moment. Puis il revient. « Alors vous revenez quand ? » On se demande : « oui c’est vrai ça, on revient quand ? » On réfléchit silencieusement en se regardant. Pas maintenant. Impossible. On a encore tellement de projets en tête, tellement de découvertes à faire, tellement de lieux à visiter. Notre façon de voyager nous impose de prendre le temps.
Qui semble filer comme jamais. A peine le temps de savourer qu’il faut déjà passer au plat suivant. Un tour de Périgrinaton et Itinéra, les dieux du voyage, qui accélèrent le tempo en dansant le soir en haut des montagnes au rythme des cigales. On peine à croire que cela fait déjà 12 mois que nous avons quitté notre pays natal, nos amis, notre famille et tout le reste. On ne dirait pas non à un bon repas familial du dimanche midi avec un poulet rôti accompagnée de purée ou à un apéro avec les copains avec du saucisson aux myrtilles, du saint-maur coulant et une tradition moelleuse tout juste sortie du four du boulanger. Mais on essaye de ne pas trop y penser, de profiter encore et on continue de mettre un pied devant l’autre ; on verra bien où cela nous mène.
Quant à notre carnet de voyage numérique, hé bien il se porte pas mal. Il devait servir aussi bien de réceptacle digital à notre vadrouille que de journal hebdomadaire pour ceux qui souhaitent avoir des nouvelles. On ne va pas se mentir, c’est la bérézina. Les publications s’espacent inexorablement. Mais elles sont là, stockées dans nos têtes. De Darwin à la Tasmanie, en passant par le désert rouge ; maintenant sur l’Ile du Sud en Nouvelle-Zélande ; bientôt ici et plus tard ailleurs. On a usé nos chaussures, perdu des vêtements et nos précieux bâtons de marche, amoché un téléphone, rencontré de bons samaritains, régalé nos papilles, appris deux ou trois ficelles et ouvert grand nos yeux. On racontera tout. Pas dans l’immédiat, au compte-goutte, mais ça viendra ! On le garantit.
Continuez! Pour nous aussi. Et un petit détail, je ne vois pas que la barbe de ta femme ait poussé malgré le grand air 😜.
Bien, très bien….à part ça, vous revenez quand?😁
Ce beau texte confirme ce que je sais depuis le début vous avez fait un bon choix il vous correspond et vous êtes heureux « who could ask for anything more »
Petite insomnie cette nuit… j’ai pris le temps de parcourrir votre blog en détail. Quel beau voyage vous faites là! Profitez, profitez…