#3 – Brin de causette…

…  à Adelaide River (Australie) avec Ewan : « Tous les hommes meurent à la fin, mais tous n’ont pas vécu »

 

Il a 45 ans. Il est éleveur de bétail et travaille en parallèle comme représentant pour une entreprise de fabrication de nourriture pour vache.

 

 

Comment t’appelles-tu ?

Mon nom est Ewan Paul Crook, Crookie pour mes amis. Littéralement, Crooked signifie courbé, de travers.

 

 

Quel est ton parcours, depuis ta ville de naissance jusqu’à ta ville actuelle ?

Je viens de Tara, une petite ville du  sud du Queensland. J’y ai passé les 8 premières années de ma vie avec mes cinq grands-frères.

 

Mes parents ont ensuite acheté une petite ferme, ailleurs dans le Queensland. Même si on les aidait dans les tâches quotidiennes, ces-derniers ont toujours été clairs sur notre avenir : on ne travaillerait pas à la ferme avec eux. Pas assez grande pour avoir des employés. Il fallait trouver notre voie par nous-même. Ils nous ont donné une bonne éducation pour qu’on puisse s’émanciper rapidement.

 

Après être allé à l’université de Rockhampton (Queensland), j’ai changé de ville et de boulot plusieurs fois. La plupart étaient déjà liés au monde rural. Et finalement j’ai acheté ma ferme en 2008 pour élever des vaches. Comme quatre de mes frères, et mes parents avant moi, je travaille dans le milieu de l’agriculture. Un de mes frères possède également une ferme semblable à la mienne.

 

 

As-tu une phrase fétiche ou un mentor ?

Non pas  vraiment. Mais une fois je parlais avec un ami et je lui ai avoué que j’avais une addiction qui me prenait tout mon temps et mon argent : l’agriculture ! J’ai toujours grandi et évolué dans ce milieu ; c’est là que j’ai tout appris. Ce qui me plait dans mon métier de fermier, ce sont les responsabilités. S’occuper de la terre et des animaux, produire de la nourriture pour le monde entier. Existe-t-il une plus grande responsabilité que celle-là ?

 

De nos jours, cet enjeu est complètement sous-estimé. Les fermiers ont sur le dos les associations écologistes et de protection des animaux et passent pour des barbares ne pensant qu’à la productivité. C’est le seul écho qu’entendent les citadins. Il n’y a personne pour leur expliquer tout le travail que demande la fabrication du steak qu’ils trouvent au supermarché. Il y a un tel décalage en Australie entre les ruraux et les urbains. Il faudrait que les fermiers communiquent sur leur travail, qu’ils prennent en compte la perception des gens pour pouvoir rétablir la vérité. Malheureusement c’est très compliqué parce que cela demande du temps et de l’argent.

 

C’est un énorme challenge qui attend la future génération : de plus en plus de nourriture à produire et de moins en moins de fermiers qui répondent présent. Il faudra être plus innovant et plus efficace. Et je pense que c’est déjà un challenge en soit d’être fermier. Moi, c’est justement pour cela que je suis devenu éleveur, pour relever un défi permanent. Il faut être passionné pour exercer ce métier sinon tu ne peux pas tenir le rythme. La clé, ce sont les objectifs. Tu ne peux pas blâmer les autres, tu dois prendre ta vie en main et te fixer des étapes. Quand tu prends un risque, soit tu réussis soit tu apprends. Il faut aller de l’avant. J’ai besoin d’accomplir des choses tous les jours, même si ce ne sont que des petites choses. Je ne veux pas me retrouver sur mon lit de mort avec des regrets. Une fois que tu es mort, c’est terminé. Tous les hommes meurent à la fin, mais tous n’ont pas vécu.

 

 

Quels sont tes projets à court et moyen termes ?

Je ne réfléchis pas vraiment à l’avenir. Pour l’instant, je rembourse mon emprunt pour ma ferme. Ensuite, je prendrai ma retraite. Je revendrai sans doute ma ferme, comme mes parents l’ont fait, et je retournerai peut-être dans le Queensland. Ou ailleurs, je n’ai pas encore décidé.

 

 

Dans quel pays rêverais-tu d’aller ?

J’ai envie d’apprendre et d’étudier l’agriculture à travers le monde. Mes voyages sont liés à cette problématique.

 

En premier, je voudrais partir en Nouvelle-Zélande. J’y suis déjà allé une fois pour le travail, mais c’était trop court. La Nouvelle-Zélande a une agriculture intense, avec de très bons fermiers, très efficaces. Je pense qu’on peut apprendre beaucoup de leur façon de travailler. Ils ont certes des terres favorables mais encore faut-il savoir s’en occuper. Ils accordent beaucoup d’importance aux détails et, à mon avis, cela fait la différence.

 

J’aimerais aussi aller au Brésil. C’est un des plus gros pays producteurs de viande et il possède d’énormes fermes de bétail. Comme le climat est similaire à celui d’Adelaide River, il serait intéressant de comparer les approches.

 

 

Comment définirais-tu ta ville et ton pays en trois mots ?

Pour ma ville, ou plutôt ma ferme, ce serait « satisfaction », celle du travail accompli, « plaisir » et « naturel ». Et par « naturel », j’entends beaucoup plus que « bio ». Ce n’est pas parce qu’un produit n’est pas bio qu’il n’est pas bon ou naturel.

 

Les trois mots qui incarnent mon pays sont « liberté », « vaste » et « jeune ». L’Australie a une histoire assez récente, surtout comparé à l’Europe.

 

 

Comment vois-tu ton pays, avec ses points forts, ses faiblesses et ses enjeux ?

L’Australie a une faible population. J’imagine que c’est une qualité et un défaut à la fois. D’un point de vue économique, on devine facilement les difficultés mais en termes de qualité de vie on y gagne énormément. Cela permet d’avoir beaucoup d’espace et de nombreux paysages naturels encore intacts. Quand tu vis en ville et que tu veux prendre l’air, tu n’as pas besoin d’aller très loin pour te retrouver au milieu de nulle part.

 

Ce qu’il manque aujourd’hui à l’Australie, ce sont des politiques avec un fort leadership. Ils ne tirent pas avantage du pays tel qu’il est, ils ne proposent rien de nouveau ou de différent. Cela entraîne la diminution des classes moyennes. Les pauvres s’appauvrissent de plus en plus pendant que les riches s’enrichissent encore davantage. Le fossé entre les deux se creuse de plus en plus. Ce problème est sans doute l’enjeu majeur des prochaines décennies.

 

L’Australie a tellement de potentiel. Il faudrait que le gouvernement gère le pays comme on gère un business, avec des règles de base à respecter comme par exemple ne pas dépenser plus d’argent que ce qui rentre dans les caisses. Que ce soit pour une famille, une ferme ou une multinationale, si tu vis au-delà de tes moyens, tu finis par avoir des soucis. En plus, l’Etat n’investit pas là où il faudrait. Tout cela combiné à une population vieillissante, le constat est simple : l’argent qui rentre via les impôts ne suffit plus. Ce problème n’est pas encore suffisamment visible mais on devrait commencer à y réfléchir dès maintenant pour éviter trop de dégâts dans le futur.

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Mom dit :

    Que pense t il des végétariens????
    (Just a joke)

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