Déjà une semaine dans le désert en autonomie. Qu’à cela ne tienne, c’est reparti pour une seconde…
Jour 7 / ELLERY CREEK – SERPENTINE GORGE / 13km
C’est la reprise. On a fait le plein de fournitures scolaires pour nos cartables et attendu 3 bonnes heures que nos vêtements tous neufs sèchent.
Petite grasse mat’ et ballade autour d’Ellery Creek, un joli plan d’eau coincé entre 2 masses rocheuses qui atteignaient jadis 10 000m de haut… La journée, courte qui plus est, ne peux mieux commencer.
Quelques kilomètres plus tard, la gravité nous rappelle à l’ordre. C’est qu’on avait presque oublié ce que c’est d’avoir autant de bouffe sur le dos. Un réajustement des sangles et de l’esprit s’impose. On arrive malgré tout à se faire surprendre par une vallée verdoyante mi-irlandaise, mi-inca, mi-Tolkien. Magique.
Arrivés au camp du soir, on découvre qu’il est déjà occupé par une sorte de compagnie type scout pour garçons et moult guêpes. Las, ce petit coin à l’écart fera parfaitement l’affaire. Et cette journée raccourcie nous permettra de jeter un œil à la Serpentine Gorge, impressionnante crevasse zigzaguant entre les montagnes.
Jour 8 / SERPENTINE GORGE – WATERFALL GORGE / 27km
Comme ne le dit pas le proverbe : nuit hystérique, journée euphorique. Le vent a soufflé en continu, conférant à la nuit une dimension dramatique qui n’était pas pour nous déplaire. Dans notre bulle, à l’abri, le sommeil était de rigueur.
Et nous voilà encore une fois sur une épine dorsale rocheuse, le souffle et la lumière nous y accueillant avec véhémence. Paysages spectaculaires. Nos corps chancellent de droite à gauche mais restent déterminés à avancer. Nous étions poissons à arpenter les rivières, nous voilà dahus désormais.
Merci au petit escalier en pierre, relique d’un autre temps, pour la descente. Merci également aux aborigènes pour nous laisser fouler leur sol et traverser l’Inarlanga Pass, lieu initiatique pour jeunes garçons. Pour ce voyage non pas au centre de la terre, mais dans ses entrailles, littéralement. Guidés par les « savanins », esprits du désert, on y passera la nuit. De la poussière plein les jambes, et de l’extraordinaire plein les neurones.
Jour 9 / WATERFALL GORGE – ORMISTON GORGE / 15km
Deuxième étape décisive de cette balade au long cours. Au bout nous y attend un kiosque, où se trouve vraisemblablement de la nourriture, mais surtout des douches. Amen.
On passera d’abord dire bonjour de loin au mont Giles (1 389m d’altitude). Coup d’œil derrière l’épaule, histoire d’admirer une dernière fois la vallée que nous avons traversée. Pique-nique à l’abri d’un énorme ghost-gum. Merci Dame Nature.
Délivrance. Assis autour d’une table, ginger beer, cookies et glaces à la main, on se dit que la privation a du bon mine de rien. Et pas que pour la nourriture. Les robinets sont tournés, et nous voilà aspergés d’eau chaude, de savon et de shampoing. Ce n’étaient peut-être pas les sacs qui étaient si lourds…
Jour 10 / ORMISTON GORGE – HILLTOP LOOKOUT / 19km
La fin approche, se rapproche. On le sent. Contrairement à nos sacs et nos jambes, qui semblent désormais flotter et se mouvoir automatiquement. Notre esprit est lui focalisé sur l’objectif final qui se dessine un peu plus à chaque pas : le mont Sonder.
Deuxième (et dernière) grasse mat’. On s’autorise même un petit thé, c’est dire. Échauffement dans les gorges d’Ormiston, sous le regard des nombreux oiseaux locataires de ces lieux. L’un d’entre eux nous lègue même une de ses plumes, comme un cadeau d’au revoir. Il est temps d’y aller.
Vallée sillonnée en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Ses courbes sinueuses n’ont plus de secret pour nous. Voilà donc à mi-parcours la Finke River, le cœur du système de drainage de toute l’Australie Centrale, un des plus anciens au monde. Mazette. Levons nos verres et nos chapeaux, et ripaillons en son honneur.
Ce soir, on campe sur le dernier promontoire qui s’offre à nous. Vue imprenable sur la bête et sentiment de liberté absolue. Le sol est un peu dur mais diable ! le jeu en vaut la chandelle. Dans deux jours nous attend un combat qui s’annonce homérique. Si proche et si loin.
Jour 11 / HILLTOP LOOKOUT – REDBANK GORGE / 17km
Nuit difficile. On ne sait pas si c’est le froid ou le regard arrogant du Sonder qui nous toise de loin et essaye de nous amadouer avec sa silhouette de femme enceinte. Il ne sait pas ce qui l’attend.
Notre plan d’attaque est simple. On le contourne par le sud et on profite de la barrière rocheuse pour masquer notre avancée. La journée et les kilomètres défilent. On ne retiendra que ces portions à ambiance lunaire, jonchées de cailloux et d’arbres calcinés.
Arrivés en début d’après-midi, on installe notre campement et on prépare notre siège nocturne. Pas besoin de mule de Troie, on le prendra de dos, par surprise, le long de sa colonne vertébrale. Point de lâcheté ici, c’est le tracé qui veut ça.
De notre côté, on a tout le temps de penser à ce qui nous attend pour notre retour à la civilisation : un gargantuesque pique-nique, à base de pain, de légumes frais, de fromage et de jambon. Ces noodles devraient être les dernières. On notera le conditionnel…
Jour 12 / REDBANK GORGE – MONT SONDER – REDBANK GORGE / 16km
Il est trois heures, les parisiens d’éveillent. Les yeux encore mi-clos, on se prépare pour la grande chevauchée. Il fait froid, très froid. On s’entortille dans nos polaires, on s’emmitoufle dans nos buff. Enhardis par cette escalade nocturne, on ne tergiverse pas longtemps. Bâtons en mains, frontales sur tête, on se lance.
La lune est également de la partie, nous indiquant la marche à suivre. Marche dont le rythme reste soutenu, malgré l’obscurité persistante, et qui rend obsolète notre armure chauffante en quelques minutes.
Rapidement, on réalise que nous ne sommes pas les seuls à avoir lancé l’assaut. Des petites tâches lumineuses scintillent un peu plus haut, tel des lucioles parasites. On ne tardera pas à les rattraper, devenant ainsi les meneurs de l’ascension. Juste nous, les étoiles et la montagne.
Dame lune est retournée se coucher, manifestement peu intéressée par ce qui se trame plus bas. Sir soleil quant à lui n’est pas encore prêt à dévoiler ses premiers rayons. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons du sommet, la lumière faiblit. Mais pas notre détermination.
On y est. Enfin. Après 223 km, 11 jours et 1 nuit de marche, nous voilà donc sur le front du 4ème plus haut sommet du Northern Territory. Il ne reste plus qu’à contempler cette vaste étendue bleue marine aux multiples pupilles blanches. La mer d’étoiles se retirera peu à peu pour laisser place au sable orangé du paysage qui nous entoure. Immense satisfaction. Intense exultation.
Epilogue
De retour au campement en début de matinée, on se repose en allant visiter les Redbank Gorge, impressionnants canyons étriqués qui s’étirent sur des kilomètres. Il est dit qu’on peut s’y aventurer en bouée le temps d’une journée. On retient l’idée pour un éventuel retour.
Ce n’est qu’après un déjeuner rapidement englouti que le stop peut commencer. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous ça veut dire beaucoup. Après une tentative avortée en France il y a quelques années, c’est la toute première fois qu’on s’en remet à notre bonne bouille pour rentrer. Et il vaudrait mieux que ça marche parce qu’ici, pas de réseau ni de transport public. C’était soit la navette à 400$, soit le pouce.
Et on commence un peut à s’inquiéter quand on réalise que le parking, isolé au bout d’une route en gravier, n’abrite qu’une minuscule poignée de voitures. Essayons. Au milieu des mouches, le filet de protection sur la tronche et notre vieux papier, on se dit que même si on est pas pris, on devrait au moins avoir bien fait rire le chaland.
Finalement, en fin de journée, après un dernier bol de noodles non prévu mais bienvenu, le miracle eut lieu avec l’apparition de Jacques, un néerlandais retraité, ancien médecin de famille en vadrouille chez les kangourous. Il ne va pas jusqu’à Alice Springs mais seulement au seul camping du coin, le Glen Helen Resort. On va pas faire les difficiles, ça veut quand même dire douche ce soir.
Rebelote donc le lendemain, sur la route principale cette fois, et propres de surcroît ! Mais visiblement, cela ne suffit pas et midi approchant, on se met en pause et on se rentre au camping, têtes baissés et, il faut bien avouer, dépités. C’est alors qu’une mère de famille nous interpelle sur le chemin pour savoir si c’est bien nous qui faisons du stop pour retourner à la civilisation. Éberlués, on confirme, et c’est avec cette famille de 3 qu’on fera les 150km, à jouer au Rubiks Cube et chanter « On The Road Again » avec leur gamin.
La conclusion de ces deux semaines et 239 kilomètres ?
C’est fou tout ce qu’on peut faire avec ses pieds et ses mains.
Impressionnée je suis et admirative !
Waouh ! 🙂
239 kilomètres ! Dont une première semaine en totale autonomie !
Cela me fait plaisir de lire ce récit de vos aventures en Australie. J’ai aussi jeté un oeil au Menu de la semaine dernière : Mmmm !
A bientôt,
Maud